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Comment un clic à 50 centimes peut tuer la démocratie ?

A l'heure où nous écrivons ces lignes, la campagne présidentielle n'est pas encore terminée. Pourtant beaucoup de gens ont déjà gagné beaucoup d'argent grâce aux régies publicitaires sur internet tout en contribuant involontairement au délitement du débat public.

Responsables mais pas coupables ?

Les sites internet proposant des contenus gratuits vivent principalement des recettes publicitaires. Qu'ils soient sérieux ou non, s'ils n'ont pas de lecteurs, ils disparaissent. Il faut donc bien sûr faire venir le lecteur. Pour cela, chaque article publié doit être visible sur les agrégateurs de contenus que sont les portails comme msn.com ainsi que sur les réseaux sociaux. Pour être visible, il faut bien sûr exploiter une photo "impactante" et l'associer à un titre choc. Jusque-là, c'est de bonne guerre. C'est une technique vieille comme le monde (non, pas le journal) qui permet de "vendre du papier, coco".

Cette technique fonctionne puisque vous êtes en train de lire cet article

Cela vous est déjà arrivé de litre un article au titre évocateur se terminer par une conclusion décevante ou carrément contraire à ce que laissait entendre le titre de l'article ?
 
Nous vous prévenons tout de suite, cela ne sera pas le cas de cet article.
 
Mais sur Internet ce phénomène est courant. Il est pernicieux à de nombreux égards et nous allons voir pourquoi. Mais d'abord essayons de mieux comprendre le mécanisme économique sous-jacent :

Le miel et les abeilles

Or donc, pour attirer sur son site les gentils internautes bttineurs que nous sommes, un éditeur de contenu doit placer en évidence un joli pot de miel, constitué généralement du titre, de la photo et parfois d'une courte accroche. Une fraction d'entre nous va cliquer sur la manchette pour accéder à l'article et une fraction de cette fraction va lire l'article et peut-être cliquer sur une bannière publicitaire judicieusement placée, soit volontairement, soit involontairement (dans ce dernier cas, c'est ce que l'on appelle le "vol de clic").

Ma petite entreprise ne connaît pas la crise...

Ce précieux clic est facturé en moyenne 50 cts à l'annonceur par Google Adwords (ou une autre régie publicitaire) qui en reverse en moyenne un peu plus de 50% à l'éditeur du site.
 
A priori, tout le monde est content :
  1. l'internaute/citoyen que nous sommes a été informé gratuitement,
  2. l'éditeur peut payer celui qui a rédigé l'article,
  3. l'annonceur a obtenu un visiteur sur son site
  4. la régie publicitaire vient de faire une jolie marge presque sans rien faire.

L'engagement subliminal

Contrairement aux médias plus traditionnels, le flot d'informations que l'on avale dans le journée sur Internet est si considérable que notre cerveau a du mal à le digérer. Volontairement, nous allons écarter la manchette d'un article au titre un peu provocateur. Toutefois, inconsciemment, le cerveau, occupé ailleurs, aura "imprimé" l'information fausse, exagérée ou simplement incomplète. Il risque de valider cette information comme exacte s'il la rencontre plusieurs fois.

L'autoconviction en boucle fermée

Mais si vous cliquez c'est encore pire. Le système étant conçu pour vous fournir toujours plus d'informations ciblées et personnalisées, au bout d'un moment, vous avez statistiquement plus de chances de voir apparaître en haut de page de votre portail préféré ou de votre page Facebook des articles qui vous confortent dans vos opinions.

Comme il y a de moins en moins de place pour les opinions contraires ou la simple nuance, chez certains, les opinions se transforment alors en croyances (exemple : le créationnisme), voire dans les cas les plus graves, en fanatisme (comme Anders Breivik, le responsable des attentats de 2011 en Norvège).

Vous ne vous sentez pas concernés ? Pourtant vous l'êtes déjà...

Un phénomène destructeur de valeurs

Le plus beau dans cette histoire est que certains sites a priori non politisés véhicules volontairement des fakes générés directement par les cellules internet des candidats ou de puissances étrangères cela sans les vérifier, simplement par ce que rédiger ou fournir une information objective représente un coût et nécessite du temps.

Ces sites d'ailleurs ne salarient généralement pas ou peu de journalistes mais uniquement des rédacteurs webs, de véritables as du copier-coller, qui se contentent de remettre en forme ou de paraphraser le texte existant.

Il y a quelques semaines, nous avons ainsi pu constater que MSN avait relayé en première page un article titrant sur l'identité de l'amant gay d'Emmanuel Macron, photo du jeune homme en question - carrément canon (rappelez-vous du "miel") - à l'appui ! L'article lui-même confessait qu'il s'agissait d'une rumeur douteuse véhiculée par le site influence russe Sputnik. Dans la même veine, Jean-Luc Mélenchon a été accusé de posséder une montre à 18000 euros. On aurait même annoncé le suicide de la femme de François Fillon. Parfois même les équipes de campagne génèrent un buzz pour victimiser leur candidat.

Ces pratiques sont destructrices de valeurs (en terme économiques) car elles détruisent les médias sérieux et les emplois des journalistes qui y travaillent. Elles sont aussi destructrices de valeurs (humaines), car elles menacent le vivre ensemble :

La supposée homosexualité d'Emmanuel Macron ou la Seiko à 18000 euros de Mélenchon ont ringuardisé le LOLcat !

Forts de nos propres certitudes, nous en sommes le propre vecteur et tentons de convaincre les autres en relayant les informations qui nous paraissent les plus marquantes afin "d'ouvrir les yeux" de nos "amis", ou parfois juste pour exister aux yeux des autres. D'après vous, le Like sur Facebook sert à quoi d'autre, à part nous récompenser tous d'avoir fourni un peu de contenu gratuit à Facebook pour lui permettre d'y insérer de la publicité ? L'URSSAF pourrait prélèver des charges sociales sur chaque Like que nous générons.

Nous sommes un brun paresseux et de plus en plus convaincu. D'autant plus confortés par le fait d'avoir engrangé quelques likes, nous ne prenons même plus la pleine de vérifier l'origine de l'information.

L'agression permanente

En faisant cela, nous contribuons à la diffusion de fausses vérités mais en plus nous heurtons bien souvent les gens qui nous entourent et qui sont peut-être eux-mêmes en train de se créer, sans le savoir, leur propre bulle de vérité(s). Les violentes campagnes des primaires à coup de phrases assassines, de vidéomontages et de fakes ont ainsi fait d'énormes dégâts contribuant sans doute à rendre impossible le rassemblement dans chaque camp autour d'une synthèse nécessaire.

Voilà comment se propage et agît le venin de la post-vérité.

Comment un clic à 50 centimes peut tuer la démocratie ?

L'ère de la post-vérité, menace pour la démocratie

Pour résumer l'excellent article de Wikipédia qui y est consacré, la conséquence de tout cela est que la post-vérité, "fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles". C'est une situation paradoxale ou l'être humain est tellement saturé par l'information environnante qu'il en perd le jugement, parfois ses valeurs et qu'il peut même en arriver à effectuer des choix en contradiction avec ses propres intérêts.

Nous en arrivons à des situations abérantes où l'agriculteur anglais vote contre le maintien du Royaume-Uni dans l'Europe, où l'ouvrier déclassé de la Rust Belt s'identifie à un homme d'affaires new-yorkais arriviste, en tout cas suffisament pour le porter jusqu'à la maison blanche, où le peuple turque accepte à une courte majoritée de sabrer sa propre démocratie.

Voilà comment un clic à 50 centimes peut tuer la démocratie !

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